Tout d’abord, le 1er avril 1887, le Tasmania, un steamer, ou vapeur, de la Peninsular and Oriental line, appareille pour quitter le port de Bombay. A son bord, 166 hommes d’équipages et 144 passagers. Ils se partagent les 122 mètres du prestigieux navire anglais. Une grande majorité des passagers sont attendus quelques semaines plus tard pour le jubilé d’or de la reine Victoria. Parmi eux le Maharadja Sir Portab Singh emporte avec lui d’inestimables présents pour la souveraine. Le 17 avril, après une brève escale au port de Bonifacio le Tasmania reprend sa route vers Marseille. A 04h04 le vaisseau heurte les brisants des récifs des Moines et commence à sombrer. Les secours s’organisent et réussissent à évacuer tous les passagers et l’essentiel de l’équipage.
Malheureusement 33 marins, dont le capitaine, ne parviendront pas à survivre à la catastrophe. Si le coffre de pierres précieuses et les 25 millions de francs or sont sauvés, l’ivoire, les épices, les étoffes et toutes les autres offrandes destinés à sa Majesté gisent désormais par le fond. Le scandale fait grand bruit et la puissante compagnie d’assurance britannique n’entend pas couvrir les pertes seule. Pour éviter un incident diplomatique et calmer la grogne royale le gouvernement français décide en hâte de faire construire un phare signalant clairement les écueils fatals.
La construction du phare de Senetosa
Ensuite, c’est à l’architecte Zevaco que sont confiés les plans du phare de Senetosa. Il mettra moins d’un an à dessiner celui-ci. Rappelons qu’il est le en France à posséder deux tours. Une signalant le littoral d’une lumière blanche et l’autre marquant d’une lueur rouge les brisants qui firent sombrer le Tasmania. Les travaux dureront 4 ans et c’est le 15 mai 1892 que pour la première fois les faisceaux rouges et blancs signaleront aux navigateurs la côte meurtrière.
Jusqu’à la moitié du XXème siècle les gardiens du phare y vivent avec leurs familles dans un isolement autarcique particulièrement âpre. Potager et élevage sont la prérogative des femmes et des enfants. Le gardien doit, lui, assurer seul l’entretien et la maintenance des feux. Les vestiges des aménagements destinés à permettre l’autonomie des familles sont encore visibles.
A partir des années 50 les familles sont libérées de leurs obligations et laissent la place à une équipe de trois vigies qui se relaient. 3 semaines au sémaphore et 10 jours en famille. Pour l’équilibre psychique des résidents, il est alors décidé que les gardes se feront à deux. Ce n’est qu’en 1988 que les optiques sont finalement automatisées pourtant un gardien s’y maintiendra jusqu’en 2008.
Aujourd’hui sous la houlette du conservatoire du littoral et du syndicat ELISA le phare à fait peau neuve. Il reçoit notamment les randonneurs, qui le souhaitent, pour passé une nuit ou deux dans un paysage subjuguant et chargé d’histoire.